CHARITE ET FRAGILITELe mois de juin est marqué –entre autres– sur nos paroisses, par la fête de Saint Antoine de Padoue. La vie de Saint Antoine est suffisamment riche pour qu'on souligne de nombreux aspects. Néanmoins, ce qui retient le plus l'attention est sa charité.
La fête de Saint Antoine nous rappelle –si besoin était– que le cœur du message de l'évangile réside dans la charité, d'abord pour Dieu, et aussi pour notre prochain. On voit comme quelque chose de beau –et tant mieux– d'avoir le souci des pauvres, de faire attention à soulager telle ou telle misère qu'on côtoie. Il faut bien-sûr encourager cette charité.
Mais, on est étonnés quand, dans la société, tout d'un coup, cette belle apologie de la charité se retourne complètement le jour où le pauvre n'est plus une occasion pour montrer que "je suis quelqu'un de bien, de généreux", mais le jour où il faut supporter, accompagner, vraiment porter celui qui est plus faible. On est étonnés quand, dans la société qui prône le social, on veut au contraire se débarrasser du pauvre lorsqu'il gêne, lorsqu'il est trop lourd, lorsque sa fragilité dérange, ou lorsqu'on ne lui trouve plus une utilité productive. Ces derniers temps ont été marqués par de nouveaux rebondissements dans l'affaire de Vincent Lambert, ce jeune devenu tétraplégique à la suite d'un accident. Cet homme est devenu subitement plus faible, totalement dépendant, et son niveau de conscience s'est réduit au minimum. La fragilité de Vincent est devenue plus lourde à porter. Néanmoins, il s'agit bien de charité à son égard. D'un côté, il y a ceux qui veulent cesser toute assistance médicale, il y a ceux qui considèrent que son état le place dans la catégorie des inutiles, qu'il n'est plus digne de vivre, et de l'autre, il y a ceux qui s'insurgent à l'idée de faire mourir de faim et de soif un innocent qui n'est pas en fin de vie. La frontière est celle de l'humain –on n'est pas "humain" parce qu'on est utile, ou parce qu'on ne veut pas que la personne souffre–, mais on est "humain" parce qu'on a une vie et un corps d'homme; la frontière est celle de la charité –on n'est pas charitable "tant que l'autre ne nous gêne pas trop", mais on est charitable parce qu'on aime une personne sans condition–. Que la fête de Saint Antoine nous rappelle à la vraie charité, en même temps que la belle figure de Jean Vanier décédé ce mois-ci.
Dans la fête de Saint Antoine, il y a les pauvretés matérielles, mais il y a aussi d'innombrables pauvretés de situation, des pauvretés humaines. Les nombreuses bougies qui sont laissées le jour de cette fête nous disent toutes les intentions qui sont présentées à Dieu. Dans le silence, soyons aussi de ceux qui accompagnent par la prière ceux qui ont davantage besoin de s'adresser à Dieu. Fêter Saint Antoine, c'est être charitable pour les pauvres, mais c'est aussi prier.
P. Yann POINTEL