BIENHEUREUSE FAMILLE !
Le prochain Synode sur la famille, qui se tiendra à Rome du 5 au 19 octobre prochain, le festival Famiho organisé par notre diocèse les 26, 27 et 28 septembre derniers et les débats de société actuels remettent à l'honneur l'importance de la famille. Au-delà des questions qu'on peut se poser, des problèmes que rencontrent les familles, il est bon de se rappeler que la famille est avant tout une bonté, un don que Dieu a souhaité faire à l'homme. Bienheureuse famille ! La première bonté est le don de la vie, la venue à l'existence de l'homme, sa création elle-même, mais, isolé, seul dans le jardin d'Eden, l'homme éprouve que cette bonté reste incomplète, inachevée: il peut parler, mais n'a aucune oreille pour écouter sa parole; il peut marcher, mais n'a personne à aller voir; il peut construire, inventer, mais n'a personne à qui offrir… "Il n'est pas bon que l'homme soit seul" (Gn 2,18).
C'est en vue d'un bien que Dieu crée la famille, et puisqu'il est lui-même la perfection de toute bonté, il va puiser dans son propre être le modèle qui permettra à l'homme d'accéder à une bonté plus plénière: "Dieu créa l'homme à son image, homme et femme il les créa" (Gn 1,27). Depuis lors, Dieu est la source, le modèle, la perfection de la plus belle réalité humaine: la communion d'un homme et d'une femme, foyer fécond pour engendrer d'autres vies. Dans la réalité divine, la manière dont le Père se donne au Fils, dont le Fils se reçoit du Père et répond en retour à ce don, la manière dont l'Esprit Saint procède de l'amour ainsi échangé entre le Père et le Fils –étant l'expression vivante et vivifiante de cette communion d'amour–, cette manière est la bonté plénière et parfaite dont les couples puis les familles vont être l'image: "Je te reçois et je me donne à toi" dit la formule du sacrement de mariage.
La bonté que Dieu propose à la famille est un sommet parce qu'il n'y a rien de plus grand, au niveau du couple, que de ne faire plus qu'un à partir de deux êtres totalement différents au départ, mais qui trouvent à s'accorder parfaitement dans toutes les dimensions de leur être. Un sommet lorsque les parents regardent leurs enfants et voient merveilleusement harmonisés les traits de l'un et de l'autre dans un être pourtant totalement nouveau et original. Sommet lorsqu'à partir de l'amour parental, on découvre au niveau de la fratrie qu'au-delà de l'amitié ou de l'inimitié, nous sommes unis par les liens du sang.
La bonté que Dieu propose à la famille est une bonté du quotidien, une bonté de tout jour, un socle où être soi-même, sans fard, sans masque, où être reconnu dans ses talents, où se reposer, où reprendre des forces, où être accueilli dans ses faiblesses et ses lâchetés, mais avec un regard d'amour et d'espérance. La Sainte Famille a vécu longuement dans l'humble quotidien de Nazareth. On ne perçoit plus, parfois, cette bonté ordinaire, on est pris par des fantasmes d'horizons exotiques, comme le fils prodigue, on pense que le jardin est plus vert chez le voisin, et puis finalement, comme le chantait Georges Brassens, "Auprès de mon arbre, je vivais heureux, j'aurais jamais dû m'éloigner d'mon arbre".
La bonté que Dieu propose à la famille est d'une profondeur aussi insondable que l'amour de Dieu lui-même. Un couple dont je célébrais les 50 ans de mariage me confiait un secret de leur fidélité: "Avant, quand on cassait quelque chose, on réparait. Aujourd'hui, quand on casse, on jette". Ils avaient connu des épreuves, des moments difficiles, mais avaient toujours trouvé dans leur sacrement de
mariage les ressources pour ne pas jeter le cœur de l'autre, mais pour essayer de construire avec patience et de réparer si nécessaire.
Au-delà du Synode, que nos familles contemporaines souvent si blessées ne perdent pas l'horizon de bonté que Dieu leur propose, mais qu'elles trouvent auprès de Lui et de l'Eglise, auprès de chacun de nous, les soutiens nécessaires, surtout le soutien d'une prière confiante au Christ puisqu'il est venu restaurer, sauver, sanctifier.
P. Yann POINTEL