ET ILS LE RECONNURENT
A Pâques, et pendant une semaine après, on se rappelle de tous les moments où Jésus, vivant, s'est fait reconnaître à ceux qui le connaissaient, à ceux qui l'avaient suivi depuis la Galilée jusqu'en Judée.
C'est bien lui, c'est bien son corps qui est là, vivant, un corps marqué par les stigmates de la passion, mais un corps qui ne souffre plus, qui ne meurt plus, un corps qui, à nouveau fonctionne –puisque Jésus prend lui-même du pain, du poisson, et le mange devant les disciples. Les premières apparitions à Marie-Madeleine, aux disciples, sont là pour attester que c'est bien lui, qu'il est bien vivant… qu'il n'est pas devenu "un autre", "un esprit" ou "un fantôme"… mais la victoire de la vie divine est bien passée à travers les membres paralysés, elle est passée à travers ce corps qui ne bougeait plus et qui avait été mis dans le tombeau après le constat de la mort. C'est bien lui, les témoins l'ont vu, l'ont touché…
Cependant, très vite, ce "voir" est relayé au second plan… comme s'il fallait le reconnaître à partir d'autre chose que la vision. Marie-Madeleine, au début, le prend pour le jardinier, les disciples d'Emmaüs font tout un chemin avec lui mais ne le reconnaissent pas sur la route, les apôtres, au bord du lac, vont à nouveau manger avec lui, mais tout en se demandant: "Qui es-tu?"…
Ce qui prend le relai de la vision, c'est la familiarité du lien qui s'est créé (il suffit à Jésus de dire "Marie", et Marie-Madeleine comprend au-delà des apparences que c'est lui); ce qui prend le relai de la vision, c'est le geste sacré de la fraction du pain que Jésus lui-même a institué ("faites cela en mémoire de moi", "ceci est mon corps" – Jésus disparaît en le disant devant les disciples pour que le pain consacré dise désormais sa présence); ce qui prend le relai de la vision, c'est la découverte que la parole de Dieu s'accomplit ("sur ta parole, je vais jeter les filets"… et la pêche est extraordinairement féconde – ce sont les fruits de la Parole de Dieu mise en pratique qui font comprendre à Saint Jean que ces fruits ne viennent pas d'eux: Jésus est là, avec eux); ce qui prend le relai de la vision, c'est le fait d'être rassemblés au nom de Jésus ("Quand 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux" Jésus fait comprendre à Thomas qu'il était bien présent pour entendre ses doutes, et le dimanche d'après, au moment où on se rassemble pour la messe, il vient, là, et se manifeste: "avance ton doigt et vois mes mains").
Ce n'est pas seulement il y a 2000 ans que Jésus est vivant, ressuscité, mais c'est aussi aujourd'hui, dans notre monde de violence, sur nos routes, à nos côtés… savons-nous le reconnaître avec le type de regard qu'il a voulu éveiller en nous ?
P. Yann POINTEL