PAROISSE SAINT ANTOINE DE PADOUE

PAROISSE SAINT ANTOINE DE PADOUE



                                     "Il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures" (Lc 24,45)



Lorsque nous attendons impatiemment dans la file d'un cinéma, et lorsqu'enfin, les portes s'ouvrent, on s'engouffre avec empressement dans la salle de la séance qu'on convoite. Lorsque la possibilité d'acheter à la SNCF des billets "prem's" est ouverte, les premiers se précipitent pour bénéficier de ces tarifs intéressants. Lorsqu'un chanteur célèbre a programmé un beau concert, ou bien que notre équipe de foot préférée va disputer un match important, dès que la réservation est ouverte, les places s'arrachent parfois en quelques minutes. Nous sommes dans le temps de Pâques, et notre attention a peut-être été attirée par ces "ouvertures" que Dieu a permises.
Ouverture du Coeur de Jésus – Le Vendredi Saint, Jésus est sur la croix, il a vécu le long chemin de la passion, et il remit à son Père l'Esprit. Il a supporté toute souffrance avec patience, il a éteint la haine en ne lui répondant pas. Saint Jean résume tout ce chemin par le célèbre verset: "ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout" (Jn 13,1). Après sa mort, "un des soldats avec sa lance lui perça le côté" (Jn 19,31). Le soldat veut s'assurer que Jésus est bien mort, mais dans ce geste, il ouvre ce qui a été la fournaise, ce qui a été le moteur ardent de toute la charité du Christ, ce foyer d'où il a puisé toutes les forces pour supporter l'épreuve sans rendre le mal pour le mal, ce centre le plus profond de sa personne où il désirait le Père, où il était en communion avec Lui. Jésus nous a ouvert son Coeur, comme un ami ouvre ses trésors à celui ou celle qu'il veut aimer. "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime" (Jn 15,13). Dans ce temps de Pâques, nous contemplons le Coeur ouvert, ce Coeur qui nous a tant aimés.
Le matin de Pâques, c'est évidemment aussi le tombeau ouvert, la pierre roulée, l'invitation à ne plus "chercher le Vivant parmi les morts" (Lc 24,5). Dieu a ouvert un passage ! Il a ouvert l'espérance. Suite à un décès, suite à une épreuve, suite à des blessures personnelles, on peut vivre avec un horizon replié: on est repliés sur sa tristesse, on est repliés sur sa rancoeur, on rumine sans cesse sa mauvaise fortune, ou les coups du sort qu'on a subis. Jésus a ouvert le tombeau. Oui, la mort est capable de porter un coup d'arrêt au moteur même de la vie, d'interrompre nos meilleures bonnes actions, d'arracher le sourire et la joie des visages, mais au matin de Pâques, le tombeau est ouvert, ce qui était un cul-de-sac, une prison, devient un passage. Une espérance est née. La vie éternelle n'est plus barrée, elle est ouverte.
Les disciples n'avaient pas imaginé le projet de Dieu. Pour eux, c'était impensable. On est nous aussi dans une logique de rétribution: on fait le bien, on est davantage protégés, bénis, adulés… on fait le mal, il devrait nous arriver des malheurs, des calamités, etc… La croix de Jésus est un tel échec ! Ni ses amis, ni les pouvoirs religieux, ni les pouvoirs politiques, ni Dieu lui-même n'ont permis à Jésus d'avoir une gloire terrestre à la fin de sa vie. Impensable que Dieu passe par là ! Il suffit de voir aujourd'hui encore les réactions à la suite d'une épreuve ou d'un deuil: "Pourquoi est-ce qu'il m'est arrivé ça ? Qu'est-ce que j'avais fait de mal ?" Jésus prend du temps avec les disciples d'Emmaüs pour "ouvrir leur esprit à l'intelligence des écritures" (Lc 24,45): leur faire comprendre que le meilleur chemin pour l'amour qui veut sauver est de s'unir à celui qui est au plus bas; leur faire comprendre que le projet de Dieu n'a pas échappé à son Créateur, mais qu'il a vu d'avance tous les chemins les plus sinueux, pour tout guérir et récapituler en lui. Il ouvre la sagesse du mystère de la croix, il ouvre le sens profond des Ecritures, ce sens qui avait fait réagir Pierre: "Dieu t'en garde, Seigneur, [tu n'auras pas à souffrir]" (Mt 16,22), mais que Jésus avait réfuté: "tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes" (Mt 16,23); "qui perd sa vie en ce monde la garde pour la vie éternelle" (Jn 12,25). Jésus ouvre la valeur du don de soi, la valeur de la vie donnée, le sens profond que Dieu attache à cela.
Toutes ces ouvertures se feront-elles dans l'indifférence générale, ou bien serons-nous ceux qui voudront puiser dans la plaie du côté l'amour ardent qui nous est donné ? qui voudront vivre et témoigner de l'espérance jaillie du tombeau ouvert ? qui chercheront l'intelligence des Ecritures à la lumière de la résurrection, à la lumière de la victoire de la vie donnée par amour ? Oui, tout cela nous est ouvert parce que Jésus est ressuscité… il est vraiment ressuscité !

                                                                                                                                 P. Yann POINTEL